“Dans ce contexte d’urgence écologique, la réautorisation des néonicotinoïdes en France constituerait un recul démocratique majeur”
Le lundi 5 octobre, l’Assemblée nationale examinera un projet de loi qui permettrait la réautorisation des néonicotinoïdes dans la filière betteravière. Pesticide toxique, surnommé « tueur d’abeilles » et responsable de la disparition de plus de 80% des populations d’insectes, il était pourtant interdit en France depuis 2016 et dans l’Union Européenne depuis 2018. Une tribune signée par plus de 150 personnalités politiques, parmi lesquelles l’eurodéputé Pierre Larrouturou, notre présidente d’honneur Anne Hessel et nos co-présidents Aline Mouquet et Gilles Pontlevoy, dénonce « un recul démocratique majeur » qu’entrainerait cette réautorisation.
Retour des néonicotinoïdes : un reniement empoisonné qui déshonore la France.
Le projet de loi gouvernemental réautorisant les pesticides néonicotinoïdes déshonore la France.
Les néonicotinoïdes sont dévastateurs pour le vivant. Hautement toxiques et persistantes dans l’environnement, ces substances tuent à très faible dose les abeilles et les pollinisateurs sauvages, dont dépendent l’agriculture et notre alimentation. De très nombreuses études scientifiques démontrent la responsabilité de ces produits dans l’effondrement de plus de 80% des populations d’insectes et d’un tiers des oiseaux des champs en France, en quelques années seulement. C’est toute la chaîne de la biodiversité qui est atteinte, des invertébrés aquatiques, aux poissons, batraciens, vers de terre, mammifères jusqu’aux humains… Car oui, les risques pour la santé humaine commencent déjà à apparaître, avec des conséquences sur le développement du cerveau et des effets perturbateurs endocriniens avérés.
La France a été le premier pays au monde à interdire les néonicotinoïdes, par la loi de 2016 sur la biodiversité. Notre pays avait ainsi entrainé l’Europe qui, en 2018, a décidé de mettre fin aux autorisations des substances les plus utilisés.
C’est cette loi pionnière, dont le Président de la république lui-même se félicitait lors de son entrée en vigueur, que le gouvernement veut aujourd’hui défaire, mettant en avant les difficultés rencontrées par la filière betterave à sucre pour ré-autoriser l’usage de ces produits toxiques sur des centaines de milliers d’hectares. Là où il aurait été possible d’indemniser les producteurs et d’accompagner cette filière, qui rencontre des difficultés structurelles depuis la suppression des quotas européens, par un plan de transformation agroécologique, c’est le choix de la régression environnementale qui est fait sous la pression et au bénéfice des lobbys de l’agrochimie. Des solutions alternatives existent, plus respectueuses des agricultrices et agriculteurs et de leur santé, du vivant, des terroirs et de l'environnement, basées sur la lutte intégrée et la préservation des écosystèmes. Il eut été plus judicieux de mobiliser la recherche publique pour vulgariser ces techniques.
Le projet de loi qui sera examiné dans les prochains jours à l’Assemblée nationale constitue bien plus qu’un reniement. Il crée un précédent : désormais, il suffira d’une difficulté économique dans un secteur pour justifier d’une annulation des mesures prises précédemment.
Ce projet de loi est basé sur des arguments obscurantistes, niant les conclusions de centaines d’études scientifiques sur la toxicité aigüe des néonicotinoïdes et leur caractère incontrôlable dans l’espace et dans le temps. Il repose sur un mensonge : présenté comme destiné à ne combattre que la jaunisse de la betterave, il sert de Cheval de Troie pour une remise en cause bien plus fondamentale de la loi. Ainsi, le texte du gouvernement prévoit qu’un simple décret pourra autoriser des substances néonicotinoïdes jusqu’ici bannies de France et que des dérogations, permettant l’utilisation de produits interdits eux en Europe, pourront être accordées à tous les types de production, sur tout le territoire national.
S’il est adopté, ce texte mettra à bas des années de combats, portés en particulier par les apicultrices et les apiculteurs et les associations environnementales qui avaient réussi à convaincre une majorité de parlementaires, par-delà les sensibilités politiques.
Mais plus grave encore, il constitue un contre-sens historique. En pleine pandémie mondiale dont les origines sont probablement reliées à la destruction des écosystèmes et alors que le rythme d’effondrement de la biodiversité est sidérant (68% des vertébrés ont disparu depuis 1970), la protection du vivant devrait être au contraire au centre de toutes les attentions. A l’heure de l’extinction de masse du vivant, nous ne pouvons cautionner ce volte-face sans précédent.
Dans ce contexte d’urgence écologique, la réautorisation des néonicotinoïdes en France constituerait un recul démocratique majeur, totalement contraire à la Charte de l’environnement de la Constitution et au principe de non-régression selon lequel les dispositions règlementaires et législatives en matière de protection de l’environnement ne peuvent faire l’objet « que d’une amélioration constante ».
Il est encore temps d’empêcher un écocide et, parce que nous n’avons pas de planète B, nous, organisations signataires de cette tribune, appellerons nos militant•e•s et au-delà toutes les citoyennes et les citoyens à se mobiliser et à interpeller les parlementaires pour qu’ils s’opposent à cette loi indigne.
En donnant leur parole que cela ne sera pas fait ….
Comment un gouvernement et son Président peuvent-ils promouvoir leur merveilleuse Politique écologique – LA meilleure, naturellement – et accepter de légiférer sur les néonicotinoïdes ? ?