Que penser du rejet suisse du projet de Revenu de Base Inconditionnel ?
Quels enseignements en tirer pour Nouvelle Donne ?
A l’occasion de la votation suisse de ce week-end sur le revenu universel, cette proposition a été beaucoup évoquée dans les médias. Et vous avez tous constaté que les Suisses l’ont rejetée plutôt massivement. Dans ce pays, où la durée légale de travail est de 45 ou 50 heures par semaine selon les secteurs, pour une moyenne de 42 heures pour un ETP, les travailleurs âgés de plus de 20 ans, doivent se contenter de 20 jours de congés payés par an.
Voilà donc un pays où la culture du travail est très ancrée, même si 18 % des hommes et 58 % des femmes sont employés en 2016 à temps partiel (voir les chiffres clés de l’emploi en Suisse). Dans ce contexte particulier, on peut comprendre que proposer un revenu de base universel (RBI) puisse choquer une grande partie de la population. D’autant plus que, vu de France, mais sans doute aussi de Suisse, le montant évoqué de 2500 francs suisses par personne et par mois semble largement suffisant pour pouvoir vivre décemment sans travailler. Beaucoup de suisses ont probablement craint une déstabilisation sociale et économique importante, qui les a empêchés d’adhérer à l’idée du Revenu de base.
Pour Nouvelle Donne, qui se pose la question d’introduire un Revenu de base au cœur de son programme, que doit-on retenir de cet exemple suisse ? Cela doit nous conforter, me semble-t-il, dans l’idée que le RBI ne peut se heurter de front à la « valeur » travail au sens noble du terme. Je reste convaincu que nos concitoyens, comme nos voisins suisses, restent attachés à leur intégration sociale, par la reconnaissance de leur utilité économique et celle de leurs compétences grâce à un emploi rémunéré. Et c’est précisément pour cela qu’il est important, en priorité, de lutter contre le chômage de masse, ce que nous proposons avec le partage du temps de travail. Le revenu de base version Nouvelle Donne, sur lequel travaille depuis deux ans la CTN partage du temps de travail et revenu de base, est d’abord conçu comme un moyen de rendre possible et acceptable pour les salariés, pour les entreprises et pour les finances publiques, une nouvelle étape de réduction du temps de travail, vers une semaine de 4 jours effective, dont la durée, entre 28 et 32h, sera à décider collectivement.
Le revenu de base que nous imaginons doit permettre à chacun de retrouver un emploi, mais aussi un équilibre, aujourd’hui souvent très dégradé, entre vie privée et vie professionnelle, grâce à la réduction du temps de travail et donc la libération de temps disponible.
A l’occasion de la votation Suisse, le débat de l’émission « On n’arrête pas l’éco » de samedi dernier (4 juin 2016) entre Christian Chavagneux (Alternatives économiques) et Emmanuel Lechypre (BFM Business) était consacré au revenu de base. Je vous invite à l’écouter ou la réécouter (cliquez ici). Vous serez sans doute surpris de voir que ces deux économistes ne trouvent pas du tout cette idée farfelue. Ils pensent même qu’il s’agit d’un outil très adapté au monde d’aujourd’hui tout en s’accordant sur la nécessité de bien étudier les modalités de mise en œuvre, et notamment les prestations sociales qui devront subsister en complément coté du revenu de base. Et si vous écoutez jusqu’au bout, vous verrez que Christian Chavagneux nous dit qu’il milite lui plutôt pour le partage du temps de travail ! On pourrait peut-être lui signaler que RBI et PTT ne s’opposent absolument pas. Bien au contraire, ce sont deux processus qui, si on les combine bien, peuvent solutionner beaucoup des difficultés rencontrées actuellement par nos concitoyens et qui minent peu à peu notre société.
C’est pour ces raisons que nous souhaitons engager courant juin 2016 un débat au sein du mouvement pour valider ou non le fait de mettre le revenu de base, associé au partage du temps de travail, au cœur de notre programme politique, afin d’afficher le plus vite possible ce marqueur fort d’un nouveau projet de transformation sociale que nous portons
Ceux qui le souhaitent peuvent (re)visionner la présentation que nous avions faite, avec les collègues du Conseil Programmatique, en janvier 2016, de l’état d’avancement de nos travaux sur le revenu de base et le partage du temps de travail (cliquez ici). Nous vous communiquerons bientôt des documents actualisés, notamment sur la réforme fiscale complémentaire, qui vous permettront de vous en faire une idée plus précise.
Par Patrick Colin de Verdière,
membre du Bureau national et
et référent de la CTN RDB et PTT de Nouvelle Donne
J’aimerais que les assertions soient plus rares chez nous.
Comment peut-on écrire “Dans ce pays où la durée légale …” , alors que le rapport de l’OCDE indique un peu plus de 34h/sem en moyenne, https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=AVE_HRS&Lang=fr ?
Un peu plus loin ” le montant évoqué de 2500… ,
Sur cette page http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/news/medienmitteilungen.html?pressID=10544 , on peut lire :
” La part des bas salaires diminue légèrement
En 2014, on dénombrait en Suisse près de 256’000 postes à bas salaires, soit un niveau de rémunération inférieur à 4126 francs bruts par mois, toujours pour un emploi à plein temps. La proportion des postes à bas salaires se réduit légèrement dans le temps, passant de 10,1% en 2008 à 8,9% en 2014 ” .
Ce qui nous place loin des , ” … Semble largement suffisant”.
Cette façon de faire, cette manière de penser, sont tout sauf dignes de Nouvelle Donne et de son crédo Reprendre la Main !
Pour le dire clairement, le sens donné à cette proposition de RDB me paraît être de l’ordre du prosélytisme et il me semble bien que depuis le début c’est la même méthode qui est à l’œuvre.
Je souhaite ardemment que l’on reprenne cette réflexion sur la place du Travail dans la vie, sur les mots qui font société, avec plus de philosophie, plus d’humanisme, et moins de croyance.
L’Implicite du discours qui nous est proposé depuis des mois met gravement en jeu la pensée novatrice des initiateurs du mouvement. Je le regrette parce qu’il y a urgence à trouver des solutions vitales pour l’humanité et que nous allons perdre un temps précieux à déconstruire le vocabulaire de quelques uns.
Je ne suis pas membre de Nouvelle Donne, mais j’observe avec intérêt votre démarche. Une remarque concernant ce commentaire : il faut se méfier de toute comparaison globale, que ce soient des moyennes, des valeurs “légales” (parfois appliquées, parfois non), les salaires hors fiscalité et cotisations sociales,… Proche de la Suisse par mes origines et par une sœur devenue suisse par le mariage, je pense que toute comparaison ne peut se faire qu’en rentrant dans les détails(devil’s in details). Mon beau-frère suisse le découvre lui-même, alors que, venant d’être licencié à l’aube de ses 60 ans pour salaire excessif (alors qu’il n’économisait pas ses heures de travail), il tente de retrouver une activité pour “tirer” jusqu’à l’âge légal de la retraite à taux plein.
Je suis pour un revenu d’existence, justement car contre la valeur travail. Faire de la politique, c’est aussi avoir le courage de combattre les idées reçues.
a) comme le disait T. Paine, le droit à un revenu permettant de vivre décemment est un droit de l’homme fondamental. Toute personne qui nait doit pouvoir exister, qu’il travaille ou pas.
b) pour participer à des débats et des décisions politiques de plus en plus complexes, il faut avoir du temps de libre, c’est-à dire pouvoir se liberer du travail pour se consacrer à l’action politique, celle de l’homme libre (cf le préface de Ricoeur au livre de H. Arendt la condition humaine).
c)Chacun dans une démocratie digne de se nom doit pouvoir choisir : travailler plus, travailler moins ou ne pas travailler. Ce n’est pas parce que la droite conservatrice et la gauche marxiste s’accorde sur la valeur travail, que l’on ne peut pas défendre d’autre valeur comme le droit à la paresse ou le droit à faire de sa vie une ouvre d’art.
Merci d’avoir lancer le débat
Je crois qu’à minima un grand débat public suivi d’expérimentations doit s’imposer sur le sujet du RDB. Je ne crois pas trop à un grand soir du RDB, mais des initiatives locales peuvent le crédibiliser et être un moyen de le mettre en oeuvre progressivement. Adosser le RDB à une monnaie locale est aussi un moyen d’en faire un instrument au bénéfice de développement économique local.
Enfin, sur la RTT, commençons déjà par permettre à tous ceux qui peuvent et qui veulent réduire leur temps de travail, de le faire, sans conditions, par la loi. Et proposons des mécanismes financiers incitatifs à la fois pour les entreprises et pour les salariés .
Ainsi la RTT devient une initiative individuelle, encouragée mais non imposée en force par l”Etat, ce qui, il me semble, ne correspond plus à notre époque.
Bonjour
pour moi le Revenu de Base Inconditionnel, serait une erreur majeure. en effet, il faut déployer une augmentation des possibilités de travail, pour réduire le chômage plutôt que de proposer un revenu de confort à la maison. Le partage du travail est plus une solution cohérente, avec un partage des richesses en cherchant une solution pour réduire l’écart salarial entre la base et les dirigeants du grand capital.
De plus il est important de chercher des solutions pour limiter les frais de l’état, non dans la réduction systématique dans la fonction publique, mais en réduisant drastiquement le nombre de politiques, du maire au gouvernement en passant par le nombre de sénateurs et de députés. De plus la cour des comptes devrait avoir un rôle plus contraignant
Je pense qu’un Revenu de Base Étudiant serait à étudier, cependant conditionnel à la réussite des années scolaires et universitaires.
Arrêtons de continuer à chercher des moyens pour continuer la course à la consommation et à l’assistanat, et cherchons des solutions plus proches de la décroissances et de la création de travail
Je suis entièrement d’accord avec la condition pour ND d’associer le le revenu de base avec le partage du temps de travail. Cette association permettra de spécifier une position par rapport à de nombreuses autres qui aujourd’hui parlent d’un revenu de base isolé, parce c’est dans l’air….
Je me réjouis que la CTN RdB affirme que “le revenu de base ne peut se heurter à la « valeur » travail au sens noble du terme. Que nos concitoyens, comme nos voisins suisses, restent attachés à leur intégration sociale, par la reconnaissance de leur utilité économique et celle de leurs compétences grâce à un emploi rémunéré. Et c’est précisément pour cela qu’il est important, en priorité, de lutter contre le chômage de masse, ce que nous proposons avec le partage du temps de travail.” C’est ce que disent Pierre Larrouturou, Dominique Méda, Jan Gadrey, Christian Chavagnieux, Jean-mary Harribey, Guillaume Duval, Guy Aznar… : On réfléchit au RdB. Mais, ce n’est pas la priorité.
Soyons clair. Le fait même de continuer à promouvoir ce concept, par des réunions publiques, des publications, une page Facebook… avant d’être revenu à un chômage inférieur à 5%, est une alliance de fait avec les libéraux qui s’apprêtent à le présenter en 2017 (c’est acté chez les jeunes UDI). Ils veulent ainsi ne rien changer au système et supprimer “les coûts” de l’accompagnement social. Laissons ces ambiguïtés à EELV, le Front de Gauche préférant le salaire à vie…
Le RdB permettrait d’être ” LIBRE ” d’aider la voisine, de préparer un spectacle, de jardiner, de skier à Megève, d’alimenter ses comptes bancaires… Fini la misère ! De plus, cela faciliterait les exportations françaises par une baisse des salaires, compensée pour le travailleur par son RdB. Les militants du RdB font peu de cas de la réalité quand ils invoquent que cette mesure permettrait aux travailleurs de refuser un travail mal payé. Dans la société de consommation que nous dénonçons, mais qui est la nôtre, les travaux difficiles et mal payés trouvent toujours preneurs. Quelle famille n’aspire pas à avoir une plus belle voiture, à aller en vacances, à s’acheter un logement ?
Oui. Le projet néolibéral n’est pas celui de Nouvelle Donne. Notre ambition est d’exercer le pouvoir pour construire une société apaisée à partir de la réalité vécue par les familles. Il ne faut pas conforter davantage ce système dual. Nous devons pour cela exprimer un projet législatif, priorisant clairement le partage du temps de travail. 32h, 28h, 4j ? Pour retrouver un chômage inférieur à 5% dans les 3 ans. Nous devons permettre rapidement à tous ceux qui n’ont pas les diplômes requis et qui n’habitent pas les bons quartiers, de pouvoir exercer leurs compétences, et à tous de retrouver la confiance.
Jacques Pinchard suppléant au BN
co-initiateur de Nouvelle Donne en Bretagne
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info: A RENNES, ce 16 juin, Nouvelle Donne 35 organise une table ronde
« Chômage, précarité, Activité. Quel temps de Travail ? »,
avec :
– Pierre Larrouturou, co-Président de Nouvelle Donne
– Guillaume Duval, Rédacteur en chef du mensuel Alternatives Economiques
– Franck Pichot, Conseiller départemental PS d’Ille et Vilaine
– Véronique Lefaucheur, Secrétaire régionale CFDT Bretagne
– Loïc Morel, Secrétaire général de l’UD CGT d’Ille et Vilaine
– Hervé Le Jeune, Délégué général de l’Union des Entreprises 35
J’ai suivi avec grand intérêt la table ronde consacrée au revenu de base, mais un point central pour moi reste confus : le lien que vous faites entre revenu de base et réduction du temps de travail, je veux parler d’un lien économique. Arrêtez-moi si je me trompe, mais dans le système actuel (et du reste vous l’avez très bien rappelé), toute l’aide sociale est adossée à l’emploi. Il faudrait même ajouter : à l’emploi productif, à l’emploi rémunéré grâce à la vente sur le marché de tel ou tel produit ou service. C’est à cause de cet état de fait caractérisant l’économie de marché que les économistes orthodoxes et les dirigeants ne peuvent imaginer aucune solution aux déficits ou au chômage en-dehors de la sacro-sainte croissance. Or nous voyons aujourd’hui que nous avons atteint les limites du système et qu’il est nécessaire d’en imaginer un autre. De cet autre système découleront, réduction du temps de travail et salaire de base et là ils pourront être intimement liés. Mais je ne vois pas à quel moment de votre réflexion vous déconnectez les ressources -quelles qu’elles soient- de la vente sur un marché plus ou moins libre de produits et de services. Pour l’instant, tout salaire, toute prestation sociale est adossée in fine à une production et à des profits. Où se situe Nouvelle Donne (dont je suis adhérent depuis deux ans) par rapport à cette problématique ?
Hello.
Moi on me donne un revenu de base à 2500€ net et je sais ce que je ferai 😉 En France, jamais cela ne se fera, les libéraux capitalistes ne verrai pas cela d’un bon oeil. Par contre à 800€ , sans blaguer, je me mets à 80%. J’en ai tellement marre du taf que je préfèrerai être dans une association plutôt que de continuer à bosser à 100% pour des esclavagistes.
L’idéalisation du projet tel qu’il apparaît dans le dessin d’un cerveau qui verrait, par la vertu du RDB, la grande zone du besoin d’argent se transformer en zone du développement personnel, est tout à fait dommageable à l’idée de faire de la politique autrement. Nous devons saisir l’esprit de nos concitoyens par autre chose que «les lendemains qui chantent» qui, lorsqu’ils sont présentés d’une manière aussi caricaturale, ne peuvent que les faire sourire dédaigneusement.
Pour ma part, et pour quelques autres sans doute, l’appartenance au mouvement ne sera plus possible s’il adopte cette position. Il est bien normal que des économistes distingués approuvent le RDB, puisque son effet le plus probable serait de maintenir à la cave une part grandissante de la population, inapte à participer à notre monde complexe, libérant ainsi les étages pour les classes moyennes et la dynamique économique.
Pour l’instant ND envisage de mettre cette proposition à son programme, j’espère que le débat aura vraiment lieu. J’ai des contres propositions à soumettre.
Eric Thuillier.
Je ne suis pas économiste et n’ai aucune compétence pour imaginer comment mettre en place ce double dispositif PTT et RIB mais il ne fait pas de doute que c’est une excellente ( et peut être la seule) solution pour l’avenir. Par ailleurs cette notion de partage s’est passablement dissolue dans notre société ( au profit de la compétition ) et qu’on l’appelle vertu, qualité ou je ne sais comment , elle reste une valeur sans laquelle il ne peut y avoir de société sereine, dynamique et épanouissante pour tous .