Pour un Conseil National de la Renaissance
Saurons-nous reprendre la main après le choc de la pandémie ? Pour quel nouveau monde ? Nous perdons des repères, mais nous sommes héritiers d’une réflexion collective qu’il est temps de faire fructifier pour le bien du plus grand nombre.
Le contrat néo-libéral est caduc
Dans cette situation, les réflexes peuvent être violents, excluants et destructeurs, ou fédérateurs, inclusifs et constructifs. Il y a deux façons de sortir du moment exceptionnel que nous vivons. Ou bien les libertés individuelles continuent à être rognées, ce qui signifie un reflux de la République. Ou bien l’intelligence collective et l’écoute des scientifiques sont mises au service de l’intérêt général, et nous prouvons que la République mérite d’être défendue. Soit les adeptes d’un pouvoir autoritaire viendront se repaître sur le corps d’une République agonisante, soit nous saurons reprendre la main.
La crise sanitaire nous sort brutalement d’un monde où la mort était invisible. Nous venons d’entrer dans un monde où elle est devenue une affaire publique et politique. Le système néo-libéral cesse de tenir sa promesse : aux consommateurs dociles, aux agents économiques sous pression, à la main d’œuvre optimisée comme les marchandises, il offrait une illusion d’immortalité en escamotant les douleurs, les inconforts et les injustices. Depuis des décennies, le contrat était clair : au prix de notre aliénation, oublions notre imperfection, notre fragilité, notre finitude. Ce contrat est aujourd’hui caduc. Les meneurs de jeu sont impuissants et nous en sommes réduits à nous confiner. Nous restons aliénés, mais sommes redevenus mortels.
Un Plan d’urgence pour la France et l’Europe
La pandémie de 2020 est un retour brutal de l’Histoire pour tout le monde. D’un seul coup, comme pour nos aïeux dans les années 1930, 1910, 1870… il nous est devenu impossible de faire comme si tout pouvait perdurer sans soubresaut. Nous perdons un monde. Sa fin, qui était prévue pour le long terme, sonne à notre porte.
C’est aujourd’hui apparent aux yeux de tous : le monde que nous connaissons a atteint ses limites. Quel monde le remplacera ? Qui en seront les architectes ? Comment et au nom de quelles valeurs ? À quelles échelles d’espace et de temps ?
Naomi Klein a montré comment le néo-libéralisme s’est imposé en profitant des chocs économiques : l’hébétude collective et individuelle qui s’ensuit, infantilisante et désarmante, fut l’occasion de créer de nouvelles règles pour un monde moins juste. Nous pouvons aujourd’hui utiliser cette stratégie du choc pour un monde meilleur, comme ce fut le cas des politiques sociales après 1945.
Il est essentiel, après notre confinement, de ne plus accepter de nous re-confiner dans le quotidien d’avant, avec ses tromperies et ses erreurs. Il est nécessaire de trouver d’abord du temps pour réfléchir, pour se rencontrer, pour prendre du recul individuellement et collectivement. Nous avons roulé à 200 km/h vers un gouffre : offrons-nous de la distance pour avoir le temps de freiner et changer de direction. Sinon, dans la panique des crises qui risquent de se succéder, la réflexion laissera la place à la loi du plus fort.
Pour que le nouveau monde serve l’intérêt général, il doit être construit par tous et pour tous, dès maintenant, et à l’échelle nationale et européenne. Il est temps d’élaborer un plan d’urgence pour la France et pour l’Europe avec ces objectifs :
- mieux redistribuer les richesses, réduire le chômage et la précarité.
- réguler la finance et la mettre au service de l’économie réelle.
- gagner du temps sur les bouleversements environnementaux, en ralentissant la course à la production de gaz à effet de serre, et créer de la résilience.
- Renouveler la démocratie.
Les pistes existent : elles ont déjà été dessinées, imaginées, inventées par des associations, des partis, des syndicats, des penseurs. Repenser le travail, sa distribution, la distribution des richesses, la distribution du temps libre, les modes de participation et de décisions, les façons de vivre sans remettre en cause le milieu naturel. Toutes ces idées doivent devenir réalité.
Un Conseil National de la Renaissance
Le Covid-19 est un danger immédiat, notamment pour les plus faibles d’entre nous. Mais nous crèverons collectivement du « narcissisme des petites différences » qui taillade les mouvements progressistes depuis des décennies. Les seules barrières seront notre manque de volonté, la force des mauvaises habitudes, les réflexes du quotidien, la paresse. Ces barrières s’expriment par le refus de rencontrer ceux qui ne pensent pas exactement comme nous, la peur de perdre des acquis de position sociale (siège électif par exemple), la logique des appareils qui finissent par s’imposer aux hommes et aux valeurs. Si nous ne savons pas les surmonter, nous aurons mérité ce qui nous attend. Mais les générations suivantes l’auront-elles mérité ?
Il faut valoriser notre patrimoine de réflexions collectives dans la société civile (les Indignés, Nuit Debout, les Gilets Jaunes, Extinction Rebellion, Youth for Climate, Agir pour le Climat), comme dans les partis politiques récents (Nouvelle Donne, Génération.s, Place Publique, Ensemble, GDS, LFI…) et dans les partis traditionnels (il existe au PS, au PCF, à EELV des gens de bonne volonté qui ont compris l’urgente nécessité de travailler ensemble). Ces expériences sont le début d’un rassemblement plus large impliquant les syndicats, les associations, les scientifiques et les « experts du quotidien » qui doit mener à un Conseil National de la Renaissance.
Ce nouveau CNR, comme son illustre prédécesseur de 1944, sera le lieu où imaginer et proposer les mesures essentielles que nous devons collectivement mettre en œuvre dans la prochaine décennie.
Nous sommes à un carrefour, choisissons la bonne voie. Nous disposons de l’énergie et des intelligences nécessaires à un changement profond de trajectoire. Pour nous et pour les générations futures, nous devons entamer notre renaissance.
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Bonjour, et bravo pour cette idée d’un Conseil National de la Renaissance ! Oui, il faut prendre le temps de la réflexion et de l’organisation, mais il ne faut pas oublier que nos adversaires ont une longueur d’avance et sont d’ores et déjà en train de concocter “l’après”.
Par ailleurs, dans le texte, les scientifiques sont mentionnés à deux reprises. Non, les scientifiques en tant que tels n’ont rien à faire dans une organisation politique. Paul K. Feyerabend, célèbre philosophe et historien des sciences, plaidait déjà en 1975 pour la séparation de la science et de l’Etat ! Les scientifiques doivent conserver leur place d’experts à consulter selon leurs compétences spécifiques, lorsque le besoin s’en fait sentir. Tout comme d’autres catégories de la population.
Bonjour. Je suis d’accord : laissons les scientifiques à leur place. Mais cette place est aussi celle d’éclairer les non-scientifiques, et comme vous le dites, à consulter en tant que tels. Sinon, ils ont leur place de citoyens à égalité avec les autres. C’est-à-dire que la séparation de la science et de l’État ne peut pas être totale : l’expression renvoie bien évidemment à la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Il est bon que les Églises n’aient aucune influence sur la vie publique, ni l’État sur les clergés et dogmes religieux. En revanche, il semble préférable que les scientifiques, en tant que tels, puissent éclairer les décideurs politiques, y compris le peuple souverain. Et dans les moments de mutations (plutôt que de crises) de nos sociétés, leurs analyses ne peuvent pas être ignorées. Et confrontées.
Nos adversaires sont en effet en train de nous concocter l’ “après” : c’est pour cela que les mouvements de gauche, et les citoyens , ont une gigantesque responsabilité : la fenêtre de tir ne durera pas longtemps avant qu’eux ou nous puissions reprendre la main.
Bonjour,
Évidemment, ce qui est écrit ici coule de source.
J’aimerais y voir apparaître plus clairement la nécessité d’une planification industrielle et’ notamment la priorité absolu de délocaliser nos entreprises.
Par ailleurs, la nécessité de renégocier les traités européens est tout aussi évidente.
Plus question d’accepter une Europe qui met les travailleurs en concurrence.
Plus question non plus de tolérer les paradis fiscaux européens, comme le Luxembourg, l’Irlande ou les Pays-Bas.
Les entreprises doivent payer leurs impôts dans les pays où elles réalisent leurs bénéfices.
Je ne comprends pas la “nécessité absolue de délocaliser nos entreprises” : faut-il lire “relocaliser” ?
Pour le reste, c’est en effet ce que nous défendons à Nouvelle Donne : un traité social européen fait partie des propositions depuis la campagne des Européennes 2014, avec des objectifs sociaux très précis.
Bonjour, à la création de Nouvelle Donne je me suis rapproché de vous.
Très déçu par l’écart ENORME entre la volonté affichée de rupture par rapport au fonctionnement (soit-disnat) démocratique des partis traditionnels, je me suis aperçu que vous mettiez une toute petite dose de démocratie (quelques représentants de la base appelés à des niveaux de concertation plus globaux) autour de structure dirigeante cooptée.
La reflexion autour de la reconstruction d’un Nouveau Monde sur de vraies valeurs humanistes est lancée depuis des semaines. Tant mieux !
Un Conseil National de la Renaissance serait une bonne idée, si ce n’est que ce terme porte une notion d’élitisme et non de participation démocratique.
Ca ressemble fortement à des commissions, ateliers restreints…
Je suggère des ETATS GENERAUX de cette reconstruction / renaissance …
Le NOUVEAU MONDE sera REELLEMENT DEMOCRATIQUE ou ne sera pas !
Je mets mon énergie au service de la collectivité, dont Nouvelle Donne.
BJR, Je suis en théorie à 100% en accord avec vous, à la seule nuance que j’estime que la solution sera mondiale ou ne sera pas. Ce qui rends la chose extrêmement complexe. Mais possible en s’appuyant sur les 17 Objectifs du Développement Durable 2015-2030 des Nations Unies.
https://www.globalcompact-france.org/documents/les-17-objectifs-de-developpement-durable-et-leurs-169-cibles-89
Sans doute. Mais Nouvelle Donne tire la force de ses propositions dans la possibilité de les appliquer rapidement. Ce sont donc des propositions à l’échelle nationale et européenne. Ainsi, une réforme de l’ONU serait sans doute souhaitable, mais elle ne peut pas être au cœur de nos propositions car nous ne saurions pas l’appliquer rapidement une fois au pouvoir. La création d’une banque européenne pour le climat et la biodiversité peut ne prendre que 6 mois, comme en 1990 pour la BERD.
On est prêts à y aller, il faut juste se coordonner…