Le 07 novembre 2017
“Paradise papers”
Dix-huit mois après les “Panama Papers”, voici les “Paradise Papers”, schémas sophistiqués d’optimisation fiscale, à la limite de la légalité.
Le travail des journalistes d’investigation et sa médiatisation ont mis ces derniers jours en exergue des pratiques et des mondes fiscaux que nous pourrions qualifier de “parallèles”.
Pierre Moscovici, le Commissaire européen à la fiscalité a manifesté mardi dernier sa détermination à lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, en arrivant à une réunion de l’UE à Bruxelles.
Le même Pierre Moscovici, ancien ministre de l’économie, a lutté contre tous les amendements déposés par les députés frondeurs ou écologistes pour limiter cette évasion fiscale.
Ce double langage est une première réponse à ceux qui se demandent comment de tels montages fiscaux peuvent encore être considérés comme légaux ?
Que la reine d’Angleterre, des proches de Donald Trump ou encore de Justin Trudeau soient parmi les premiers impliqués dans ces montages d’optimisation fiscale est une deuxième réponse.
La troisième réponse, on la doit à l’inénarrable sénateur Gérard Longuet, qui non content de trouver le recours à l’évasion fiscale logique le trouve totalement moral. Et d’ajouter avec cynisme : “Les gens se battent pour garder leur pouvoir d’achat”. Pauvres M. Dassault et autres grandes fortunes !
L’évasion fiscale des entreprises et des grandes fortunes coûte 350 milliards d’euros de pertes fiscales par an aux États du monde entier, dont 120 milliards pour l’Union européenne et 20 milliards d’euros pour la France.
Comme le souligne Oxfam, sur les 10 dernières années, les recettes liées à l’impôt sur les sociétés ont baissé de 40 %, alors que les bénéfices ont augmenté de 10 %.
La France pour sa part, vient de baisser son taux d’imposition sur les sociétés de 33% à 25 %, dans l’espoir d’éviter la fuite d’autres sociétés ? Mais pourquoi payer 25% si on peut payer moins voire ne rien payer du tout.
Pourtant, il est normal et même indispensable que les entreprises s’acquittent de l’impôt et des taxes dans les pays où elles exercent leurs activités, c’est ce qui permet de financer notamment les infrastructures dont elles et leurs employés bénéficient.
Il nous faut toutefois souligner que l’immense majorité des entreprises présentes en France (en particulier les plus petites) n’ayant pas à leur service une armée d’expert fiscaux, appliquent les règles et sont victimes du coup de pratiques déloyales qui faussent la concurrence.
Alors, particuliers et entreprises pourraient profiter des services publics et du système social de la France sans y payer leurs impôts. Et ce serait légal.
Car le problème n’est pas seulement lié aux fraudeurs fiscaux, mais bien également à la légalité de ces montages.
Les paradis fiscaux ce n’est pas fini.
La finance n’a plus de frontières, le fisc si. C’est pratique pour les avocats d’affaires qui utilisent les failles.
L’harmonisation fiscale restera un vœu pieux. La coopération entre les États, un autre alors que même l’OCDE considère désormais que la lutte contre l’évitement fiscal devient une priorité. Pour elle, “le minage des bases fiscales des pays devient un facteur d’instabilité économique, sociale et politique. Maintenir des mécanismes de redistribution par l’impôt s’impose pour lutter contre le creusement sans précédent et de plus en plus dangereux des inégalités, assure-t-elle.”
Alors ?
Nouvelle Donne propose depuis 2013 que soit prélever un impôt européen sur les sociétés afin d’éviter la concurrence entre pays et d’abonder le budget européen en lieu et place des contributions des états comme actuellement.
Deux mesures peuvent être prises rapidement car déjà travaillées par certains députés européens :
- rendre obligatoire la publication des bénéfices réalisés et impôts payés par les maisons mères ainsi que par leurs filiales en France et dans les autres pays,
- rendre ces montages d’optimisation fiscale illégaux.
De son côté, l’OCDE a engagé un projet pour lutter contre l’érosion de la base et transfert des bénéfices (projet BEPS) en vue d’instaurer des règles fiscales internationales plus équitables, en élimant toutes les mesures favorisant la fraude et l’optimisation fiscales.
Ce qui manque : une véritable volonté politique qui pourrait accompagner ces projets ?