Paris Match, 10 octobre 2014
Selon des chiffres des Nations Unies, les conséquences des procédures d’arbitrage prévues dans les précédents accords de libre-échange avec les Etats-Unis confirment les inquiétudes des opposants au grand marché transatlantique qui défilent aujourd’hui à Paris et dans plusieurs villes de province à l’appel du collectif Stop-Tafta.
Le TAFTA (ou TTIP), le traité de libre échange négocié actuellement entre les Etats-Unis et l’Union Européenne suscite de nombreuses inquiétudes. L’un des points les plus controversés de ce traité qui vise l’instauration d’un grand marché transatlantique en 2015 concerne l’ISDS, pour «investor-to-state dispute settlement». Il s’agit de la mise en place de tribunaux d’arbitrage, une justice privée censée régler les litiges entre les entreprises et les Etats. En France, le Front de Gauche, Nouvelle Donne, Europe Ecologie-Les Verts, une partie de l’aile gauche du PS et des économistes s’inquiètent par avance d’une justice inféodée aux multinationales extorquant des milliards aux Etats à coups de procès pour «entrave à la concurrence» ou d’autres motifs commerciaux découlant des accords de libre échange.
Or, des chiffres de l’ONU dévoilés par le quotidien britannique «The Independent» tendent à confirmer ces craintes. Au cours des quinze dernières années, dans le cadre de précédents accords de libre-échange conclus avec les Etats-Unis comme l’ALENA, des entreprises américaines ont mené 127 actions en justice devant ces tribunaux privés qui leur ont octroyé des milliards de dollars en dédommagement tel l’Equateur qui a dû verser 1,8 milliard de dollars à la compagnie américaine Occidental Petroleum. Les opposants à l’ISDS estiment que la signature de TAFTA ouvrira les vannes à des recours systématiques à l’arbitrage. Là encore, les chiffres des Nations Unis étayent leurs inquiétudes : des pays de l’ex-URSS ayant signé assez récemment des accords de libre-échange ont déjà été poursuivis à neuf reprises par des entreprises américaines. Plus généralement, souligne «The Independent», les Etats visés par ces procédures sont en majorité des pays pauvres d’Amérique du Sud et d’Europe de l’Est. Outre des réparations financières, ces arbitrages peuvent aussi influer sur les politiques nationales, dénonce Alex Scrivener, de l’ONG Mouvement pour le Développement Mondial, «en empêchant des gouvernements de fixer un salaire minimum légal, de geler les prix de l’énergie ou en les forçant à privatiser leur système de santé.»
Seules 16 entreprises non américaines ont eu recours à un tribunal arbitral