Le plein emploi comme en Allemagne ?
En ce printemps 2017, on entend souvent des responsables politiques, de tous bords, nous expliquer que, si l’on vote pour eux, la France ira vers « le plein emploi, comme en Allemagne ». Est-ce bien raisonnable ?
Nos amis allemands sont-ils vraiment en situation de plein emploi ?
Non. Quel que soit l’excédent de la balance commerciale, l’industrie allemande continue à faire d’importants gains de productivité et à détruire de l’emploi.
La courbe des pertes d’emploi dans l’industrie est quasiment la même en France en en Allemagne.
Certes, l’Allemagne, ayant une vieille tradition industrielle, est partie de plus haut (les services et en particulier le tourisme sont nettement plus important en France qu’en Allemagne) mais elle a perdu 15 % de ses emplois industriels en 20 ans.
Ce n’est qu’entre 2007 et 2009 que la courbe est nettement mieux orientée outre-Rhin. C’est grâce au Kurz Arbeit qu’on a évité des pertes massives dans l’industrie durant la récession : « Travailler moins pour licencier moins » : 1.500.000 salariés ont baissé de 31 % leur temps de travail (et leurs salaires). L’Etat maintenant 95 ou 98 % des revenus.
Si l’emploi industriel a tellement baissé, comment expliquer que les chiffres du chômage soient meilleurs en Allemagne que chez nous ? Certes le taux de chômage est tombé fin 2016 à un plus bas historique, 6 %. Mais le nombre de salariés à temps partiel subi a considérablement augmenté depuis la mise en œuvre des réformes Hartz.
Allemagne : bilan des créations d’emplois dans les années 2000
2000 | 2010 | Solde | |
Temps plein | 29.938.000 | 30.330.000 | + 392.000 |
Temps partiel | 6.386.000 | 8.409.000 | + 2.023.000 |
En dix ans, l’Allemagne a créé 5 fois plus d’emplois à temps partiel que d’emplois à temps plein. Des temps partiels de plus en plus nombreux, en particulier dans les services.
En durcissant très nettement les conditions d’indemnisation des chômeurs, les réformes Hartz ont obligé un grand nombre de chômeurs à accepter des Emplois à temps partiels. En 15 ans, la part des temps-partiel est passée de 18 à 27 % de l’emploi total. Des emplois à temps partiel dont la durée moyenne a baissé jusqu’à 18 heures par semaine à cause du grand nombre de mini-jobs.
Cette multiplication des petits boulots est sans doute la façon la plus « facile » à court terme de faire baisser le chômage : pas besoin de grandes négociations, comme pour une réduction collective du temps de travail. Pas besoin de repenser l’organisation du travail et le contenu de chaque poste…. L’effet sur les chiffres du chômage est très net et très rapide.
Mais les conséquences sociales de la multiplication de ces emplois précaires commencent à inquiéter un grand nombre de citoyens : comment fait-on pour vivre décemment avec un mini-job ? Quelle retraite pour celles et ceux qui ont passé plusieurs années dans des emplois à 10 heures par semaine ?
En décembre 2016, toute la presse allemande a parlé d’un rapport sur l’augmentation de la pauvreté, que le gouvernement fédéral aurait cherché à censurer.
16 millions de pauvres en Allemagne …
Le gouvernement allemand est accusé de censure. Il aurait supprimé plusieurs passages d’un rapport sur la pauvreté qui est très attendu.
C’est un rapport très complet sur l’état de la pauvreté dans le pays. On ne le publie que tous les quatre ans outre-Rhin. Il n’est attendu qu’au printemps mais certaines conclusions ont filtré dans la presse, des conclusions fort désagréables pour le gouvernement.
Si l’économie allemande est au vert, qu’elle a presque retrouvé le plein emploi, beaucoup ne s’en sont pas aperçus. La presse enchaîne les titres : 16 millions de pauvres, la honte !
Plus de quatre millions d’Allemands sont surendettés. Ces retraités qui ne peuvent plus se nourrir car non seulement le nombre de pauvres a augmenté depuis quatre ans, mais les inégalités se sont creusées. Le nombre de millionnaires a bondit de 30 % et les plus riches se sont enrichis, quand un Allemand sur cinq ne possède rien du tout.
(…) Et cela scandalise une grande partie de l’opinion. On efface carrément les pauvres, accuse le quotidien TaggesSpiegel. C’est une indigence démocratique et surtout, commentent plusieurs chercheurs, c’est d’une sottise sans nom : taire la réalité ne la fera pas disparaître. Mais en s’interdisant de réfléchir à la manière de mieux redistribuer les richesses, on risque de précipiter la crise et de jeter ces oubliés dans les bras des partis populistes qui gagnent déjà du terrain.
16 décembre 2016
Il y a plein de choses très intéressantes en Allemagne : le système parlementaire, le Kurzarbeit pour limiter les licenciements en cas de crise, la formation professionnelle, le niveau des loyers bien plus faible que chez nous, la péréquation très forte entre territoires,… Mais il est faux de dire que nos cousins allemands sont en « situation de plein emploi ».
Une chose qu’on ne dit jamais est que : en Allemagne les mères ne sont pas censées travailler. C’est mal vu. Donc cette partie de la population ne n’impacte pas le pourcentage de chômeurs
Cette analyse pourrrait-être complétée avec des éléments sur l’évolution de la démographie (-1,5% en Allemagne et + 9% en France depuis le début des années 2000) En outre,la population active en France qui a progressé deux fois plus vite qu’en Allemagne d’où un chômage des jeunes bcp plus faible.
La situation décrite est valable dans tous les pays du nord et au Royaume Uni puisque les temps partiel dans ces pays est supérieur à 29% et va jusqu’à 45% dans certains pays.
La question est pourquoi les journalistes économiques, et les économistes qui sont parfaitement au fait de ces réalités n’émettent aucune réserve dans les débats comparatifs qui ont lieu sur les antennes de nos radios et TV.