Isabelle Attard, députée du Calvados, a décidé de quitter Europe Ecologie-Les Verts pour rejoindre Nouvelle donne, le parti que vient de fonder l’économiste socialiste Pierre Larrouturou. Arrivée en 2001 chez les Verts, elle les avait quittés pour raisons professionnelles avant de reprendre sa carte en 2010. « Je ne suis plus en accord avec ce que je défends », explique-t-elle. Elle espère cependant rester dans le groupe écologiste comme apparentée.

Pourquoi décidez-vous de quitter EELV ?

Depuis dix-huit mois, je ne suis pas spécialement raccord avec toutes les décisions prises par mes collègues de la majorité à l’Assemblée, que ce soit sur l’ANI [accord national interprofessionnel] ou sur la loi sur l’enseignement supérieur. Pour moi, tous ces projets sont de droite.

Il y a aussi l’accord entre EELV et le PS de 2011, que François Hollande a mis à la poubelle avant même la présidentielle. Pour moi, c’était l’accord de référence, celui sur lequel j’ai basé ma campagne électorale et sur lequel j’ai été élue dans une circonscription réservée par le PS. Or rien de tout cela n’est respecté. Je ne peux plus être solidaire d’un parti, EELV, qui accepte tout cela. J’ai le sentiment d’être fidèle à mes valeurs écolos de gauche, mais ce qui se voit à l’extérieur, c’est que l’on dit amen à toutes les mesures prises par le gouvernement pour garder des places.

Quel a été l’élément déclencheur dans la politique menée par le gouvernement ?

On arrivait encore à encaisser jusqu’à la fin de l’été, mais le projet de loi sur les retraites a été pour moi un point de rupture avec la direction de mon parti. Il y a aussi eu le report de la transition écologique, l’allongement de la durée de vie des centrales nucléaires de dix ans et, cerise sur le gâteau, la provocation faite avec l’annonce de la création d’un Salon du nucléaire destiné à exporter l’EPR.

Sans oublier l’écotaxe, l’affaire Leonarda, la non-révision du CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi), fait sans aucune conditionnalité écologique ou sociale, et la hausse de la TVA – avec l’annulation de la baisse de 5,5 à 5 % pour les produits de première nécessité.

Je ne suis plus en accord avec ce que je défends et ce que j’ai toujours défendu. Aujourd’hui, je ne me sens pas dans la majorité.

La « remise à plat » du système fiscal proposée par Jean-Marc Ayrault ne vous a-t-elle pas semblé aller dans le bon sens ?

Il a dix-huit mois de retard. Un projet aussi énorme aurait dû faire partie des priorités des six premiers mois. S’il le fait et que je suis dans un autre parti, tant mieux. Je serai là pour l’encourager et faire des propositions d’amendements !

Le congrès d’EELV, qui s’est tenu ce week-end à Caen, n’a rien réglé selon vous ?

J’ai espéré. C’est pour cela que je me suis engagée fortement dans la motion d’Eva Joly. Mais la première déclaration de notre nouvelle secrétaire nationale a été de dire que nous appartenons à la majorité gouvernementale. Ce qui me déçoit, c’est notre façon de fonctionner, nos divisions, les luttes pour chaque poste.

Au final, on n’a pas parlé d’écologie dans ce congrès. Je ne sais pas si c’est l’ultimatum de Pascal Durand qui les a tous refroidis mais je ne supporte plus cette frilosité et ce lien avec les socialistes, comme si on était dans le même parti. Ce n’est pas l’idée que je me fais de l’écologie politique.

Pascal Canfin et Cécile Duflot font du très bon boulot de ministre mais ils se retrouvent noyés dans un gouvernement d’où ne sortent malheureusement pas beaucoup de projets de gauche.

On me dit que si on était dans l’opposition, on ne ferait pas mieux. Si dans l’opposition on fait la même chose que maintenant, alors je préfère être claire et être dans l’opposition. Vu l’urgence, j’ai donc décidé de quitter Europe Ecologie-Les Verts pour aller dans un parti qui rassemble des idées et des valeurs que je partage.

Pourquoi ne pas rejoindre le Front de gauche, avec qui votre motion appelait à travailler ?

Oui mais pas que. Il y avait aussi le rapprochement avec toutes les composantes de la gauche, ou de ce qu’il en reste. Le Front de gauche a fait beaucoup de progrès dans sa conception de l’écologie et la prise en compte des contraintes environnementales. Ce sont des gens avec qui j’espère que nous pourrons travailler. Mais je me sens beaucoup plus proche des propositions de Nouvelle donne. Je vais dans un parti qui donne envie de se battre et qui décide de le faire maintenant, avec des représentants qui ne viennent pas tous de la politique.

Sur le terrain, je vois des gens qui ne vont plus voter parce qu’ils ne retrouvent plus dans l’offre politique qu’on leur présente. Pour ceux qui ne veulent pas voter FN ou pour les mesures radicales de Jean-Luc Mélenchon, et qui ne se retrouvent ni dans le PS ou l’UMP, qu’est-ce qu’il y a ? Rien. D’où l’émergence d’un nouveau parti. Il faut redonner aux gens l’envie d’aller voter, avec un programme réalisable et concret.

Vous ne craignez pas d’être marginalisée ?

C’est déjà le cas ! J’ai été la seule députée de la majorité à voter contre la réforme des retraites, et nous n’étions que trois à nous abstenir sur le budget.

Vous rejoignez Nouvelle donne. Mais pour l’instant, c’est surtout un casting médiatique. Vous ne craignez pas que cela soit une initiative marketing éphémère ?

Je me suis posé la question. Mais tout cela va s’organiser ces jours-ci. Un bureau va être créé et voté. Il faut un réel renouvellement de la vie politique. Nouvelle donne sera là pour dire aux gens que nous avons compris l’urgence, que nous voulons faire quelque chose et que nous ne nous retrouvons pas dans l’offre politique actuelle. Il faut se dépêcher d’offrir quelque chose qui présente de l’espoir. L’espoir, je ne le voyais plus dans ma famille politique.

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